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Aides et conseils pour les consommateurs de cannabis et leur entourage

Arrêter le cannabis sans rechuter

Stop ! Le mot est dit. Vous avez pris une sage décision : celle d’arrêter. Mais des difficultés liées aux symptômes de manque peuvent apparaître… le risque est de replonger dans une conso non souhaitée.

Voici quelques pistes pour y faire face:

 

La dépendance au cannabis, un frein au sevrage

Pourquoi est-il si difficile d’arrêter sa consommation de drogue ? En ce qui concerne la marijuana, ce n’est pas tant la dépendance physique vis-à-vis de cette substance qui est en cause : celle-ci n’existerait en fait que pour une très faible proportion de consommateurs [1].

Lorsque le cannabis est pris de façon fréquente et à fortes doses - et ce quelles que soient les raisons qui poussent l’individu à consommer- la communauté scientifique s’accorde à dire qu’une dépendance psychologique s'installe [2].
Toute addiction s’installe en deux temps : tout d’abord, la mise en place d’une prise chronique de drogue, à ce stade la vie normale n'est pas totalement perturbée par la consommation. À la deuxième étape, quelques mois ou années plus tard, la personne rentre dans la dépendance: elle a perdu le contrôle sur le produit qui est devenu une nécessité en soi.

Ce comportement addictif se traduit par une incapacité à limiter la prise, par l’énergie énorme qui peut être dépensée pour se procurer de la drogue, et que l’individu continue à prendre malgré les conséquences néfastes (les personnes toxicomanes sont conscientes de leur dégradation ou de leurs problèmes, mais elles ne peuvent pas arrêter).totop scroller green

Les symptômes du sevrage 

Qui dit dépendance à une substance psychotrope dit nécessité de prise régulière de la drogue : à l’arrêt des symptômes dits de sevrage apparaissent. Dans la liste ci-dessous, deux symptômes apparaissent généralement chez plus de la moitié des fumeurs tentant d’arrêter: 

  • irritabilité voir agressivité
  • anxiété
  • tristesse, humeur perturbée voir dépression
  • agitation
  • troubles du sommeil, voir un besoin de dormir excessif
  • baisse de l’appétit et une perte de poids
  • sueurs ou encore des nausées
  • symptômes plus légers comme de la fatigue, de la faiblesse, des bâillements, un ralentissement psychomoteur.


La plupart des symptômes débute 24 h à 48h après l’arrêt de consommation, atteignent leur maximum d’intensité entre le quatrième et le sixième jour et durent en général entre une et trois semaines,
mais  ils peuvent aller au-delà dans le cas de très forte consommation [7]. Ces symptômes sont pour beaucoup des entraves au sevrage, de potentielles causes de rechute.

Les symptômes du sevrage comme cause de rechute

La recherche depuis une vingtaine d’années a établi une base neurologique aux symptômes de sevrage du cannabis qui est en lien avec la régulation des endocannabinoïdes (voir l'article sur le mode d’action des cannabinoïdes) ayant lieu dans le système nerveux central [4].

Ces symptômes de manque et leur sévérité  ressemblent fort à ceux connus lors de l’arrêt du tabac [6] bien que les perturbations du sommeil apparaissent plus prononcées pour le cannabis et que l’envie de fumer semble plus importante en ce qui concerne le tabac. 

Une étude menée en 2008 [8], sur un échantillon composé de près de 500 fumeurs (âgés entre 18 et 64 ans) dont plus de la moitié avait fumé au moins 2000 fois, a ainsi montré que plus de 40% de ces fumeurs avait connu un des symptômes de manque (ou plus) au moment du sevrage. Les symptômes les plus couramment cités sont les envies de fumer, l’irritabilité, l’ennui, l’anxiété et les perturbations du sommeil.
Environ un tiers des personnes a ainsi reconnu avoir recommencé à fumer pour soulager ou éviter ces effets.

Ces symptômes induisent un inconfort, une détresse qui nuisent au fonctionnement de l’individu et l’amène à reprendre de la drogue afin de les éviter. C’est pourquoi - pour les gros fumeurs notamment - les spécialistes recommandent un accompagnement psychothérapeutique afin de soutenir l’individu dans ses efforts d’abstinence et lui éviter la rechute.

Bien que les troubles observés chez les personnes dépendants au cannabis soient plus légers que ceux occasionnés par d’autres substances addictives, selon les critères du DSM-IV (le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), il a été estimé que près de 9 % des personnes qui prennent du cannabis à un moment donné de leur vie deviennent dépendantes, comparativement à des taux de dépendance de 32 % pour le tabac, de 23 % pour l’héroïne, de 17 % pour la cocaïne ou de 15 % pour l’alcool [3].totop scroller green

Etre soutenu durant son sevrage

Différents accompagnements peuvent être proposés à ceux qui veulent sortir de la dépendance : ce sont par exemple des thérapies visant à augmenter la motivation de l’individu à arrêter la drogue (entretiens motivationnels appelés MET) ou encore des thérapies comportementales cognitives (TCC) qui se concentrent sur les éléments déclencheurs de la consommation et qui enseignent les compétences nécessaires pour faire face aux problèmes et les résoudre. Il peut encore être question d’un soutien visant à récompenser la personne lors de ses périodes d’abstinence (méthode de gestion de contingences ou CM) [9]. D’autres méthodes comme le « bilan marijuana », le « bilan adolescent cannabis », l’autochangement guidé, la thérapie familiale …peuvent encore être proposées.

Dans l’ensemble, les méthodes basées sur les thérapies comportementales ont montré qu’elles étaient un plus indéniable à l’arrêt de la consommation. Cependant, comme pour les autres drogues, les taux de succès sont modestes : dans les meilleurs cas, seul 50% des adultes suivant ce type de programme est encore abstinent au bout de deux semaines ; au bout d’un an, la moitié de ces derniers reprend l’usage du cannabis  [10, 11].

Une étude récente, menée sur un échantillon restreint d’individus (36 personnes) présente des résultats similaires : après avoir suivi 12 semaines d’accompagnement thérapeutique (TCC), les anciens fumeurs reprenaient du cannabis pour 60% d’entre eux au bout de deux mois. Des séances de relaxation visant à prévenir la rechute ont par ailleurs montré leur efficacité : au bout de six mois, 40% des personnes ayant pratiqué ses séances étaient encore abstinentes. [12]totop scroller greentotop scroller green

Les signes annonciateurs de la rechute

Si le sevrage mène à la liberté, il est aussi l’aboutissement d’un long chemin semé d’embûches et où la (ou les) rechute(s) fait loi. Cette dernière est-elle prévisible ?

Des travaux ont conclu récemment que certains symptômes subis lors du sevrage seraient plus prédictifs du risque de rechute [13]. Les chercheurs ont constaté que –chez  49 sujets dépendants désirant se sevrer- les symptômes comme que la tension physique, les troubles du sommeil, l’anxiété, la dépression, les sautes d’humeur et la perte d’appétit étaient plus fortement associés au risque de rechute que d’autres tels que les bouffées de chaleur, la fatigue ou les sueurs nocturnes. Les participants ayant présenté les plus gros désagréments lors du sevrage se sont avérés être les plus gros consommateurs de cannabis par la suite.

Mais, pour d’autres auteurs, il n’y a pas de corrélation entre la sévérité de ces symptômes au moment du sevrage et la survenue ou pas d’une rechute [14]
Est-il alors intéressant, comme le suggèrent des experts, d’encourager une réduction progressive de la consommation de cannabis avant une tentative de sevrage afin de diminuer les effets de ce dernier et maintenir l’abstinence ?

Les personnes présentant des troubles psychotiques - comme des idées délirantes, des hallucinations, tenant des propos désorganisés ou ayant un comportement grossièrement désorganisé- présentent notamment un risque élevé de rechute [15]. Les jeunes dépressifs appartiennent encore à une population vulnérable vis-à-vis de la rechute : chez eux, l’envie, l’irritabilité, l’agitation ou l’anxiété sont communs et présagent d’une reprise rapide du cannabis [16].totop scroller green

Des médicaments pour gérer le sevrage et couper l’envie de consommer ?

Si les thérapies ont leurs limites, la pharmacopée peut dans une certaine mesure amoindrir les symptômes du sevrage. Plusieurs médications –des drogues alternatives- [9] ont montré des bénéfices substantiels contre certains symptômes (la mitrazapine ou le nefazadone par exemple) tandis que pour d’autres, les effets sont moins probants (comme le divalpoex ou le bupropion). De façon inattendue, le naltrexone semble augmenter plutôt que diminuer les symptômes liés au sevrage lorsque ce produit est administré à des personnes ne bénéficiant pas parallèlement d’un accompagnement thérapeutique [17]

A vrai dire, seul le dronabinol (équivalent synthétique du THC psychotrope) en prise oral semble prometteur. Des doses de 10 mg trois fois par jour  diminuent considérablement la plupart des symptômes du sevrage tel que l’envie de consommer, l’anxiété, la tristesse, les troubles du sommeil et les frissons. Une dose journalière de 90 mg en trois prises ferait disparaître tout symptôme de manque. Point non négligeable : parce qu’il permet aux personnes de supporter plus facilement l’arrêt du cannabis, le dronabinol encourage en outre les abstinents à rester plus longtemps dans leur thérapie (18).

Enfin, si aucune pilule miracle n’existe à l’heure actuelle qui permette de couper l’envie du cannabis, les spécialistes ne sont pas en reste pour trouver de nouvelles pistes de recherche. Une des dernières en date concerne celle suivie par le Professeur Rami de l’université hébraïque de Jérusalem. Ses travaux s’axent autour du processus de mémorisation du plaisir lié à l’absorption de drogue : de façon surprenante, au lieu de diminuer, ce souvenir s’amplifie au fur et à mesure du temps d’abstinence. Un lieu, une personne, un objet… associés à la prise de drogue, ces signes suffisent à réactiver le souvenir du plaisir vécu et l’envie de consommer. En 2011 [19], le chercheur israélien a montré que l’injection d’une petite molécule –une protéine appelée ZIP- à des souris de laboratoire permet d’effacer chez elles tout souvenir de leur toxicomanie passée, et à priori uniquement ce souvenir-là.  totop scroller green

(Auteur: C.Depecker )


 Références

  1. O'Brien, C. (2001), The pharmacological basis of therapeutics, chap 24: Drug addiction and drug abuse, 10ème ed., New York: McGraw-Hill, pp. 621-642.
  2. Hall, W., Room, R., & Bondy, S. (1999), The Health effects of cannabis, Chapter 15: Comparing the health and psychological risks of alcohol, cannabis, nicotine and opiate use, Toronto: Center for Addiction and Mental Health, pp. 477-506
  3. Anthony J. et coll. (1994), Comparative epidemiology of dependence on tobacco, alcohol, controlled substances and inhabitants: Basic findings from the National Comorbidity Study, Clinical and Experimental Psychopharmacology, 2, 244-268.
  4. Lichtman AH, Martin BR: Marijuana withdrawal syndrome in the animal model. J Clin Pharmacol 2002; 42:20S–27S.
  5. Budney A. et coll. (2004), Review of the validity and significance of cannabis withdrawal syndrome, Am. J. Psychiatry, 161 (11), pp. 1964-1977.
  6. Budney A. et coll. (2008), comparison of cannabis and tobacco withdrawal: severity and contribution to relapse, J. of Substance abuse treatment, 35(4), pp.362-368.
  7. Copersino M. et coll. (2006), Cannabis withdrawal among non-treatment-seeking adult cannabis users, American Journal on Addictions, 15(1), pp.8-14.
  8. David Gorelick à la conférence 2008 de l’American Psychiatric Association, Washington, D.C, 3-8 mai 2008.
  9. Budney A . et coll. (2007), Marijuana dependence and its treatment, Addiction science & clinical practice, pp.4-16.
  10. Budney, A. et coll. (2006), Clinical trial of abstinence-based vouchers and cognitive-behavioral therapy for cannabis dependence, Journal of Consulting and Clinical Psychology, 74(2), pp.307-316.
  11. Kadden R. et coll. (2007), Abstinence rates following behavioral treatments for marijuana dependence, Addictive Behaviors, 32(6), pp.1220-1236.
  12. Weinstein A. et coll. (2010), Treatment of cannabis withdrawal syndrome using cognitive-behavorial therapy and relapse prevention for cannabis dependence, J. of groups in addiction & recovery, 5, pp. 240-263.
  13. Allsop D. et coll. (2012), Quantifying the clinical significance of cannabis withdrawal, PlosOne, 7(9).
  14. Arendt M. et coll. (2007, withdrawal symptoms do not predict relapse among subjects treated for cannabis dependence, Am. J Addict., 16(6), pp.461-7.
  15. Hides L. et coll. (2006), Psychotic symptom and cannabis relapse in recent-onset psychosis, British journal of psychiatry, 189, pp. 137-143.
  16. Cornelius J. et coll. (2008), Cannabis withdrawal is common among treatment-seeking adolescents with cannabis dependence and major depression, and is associated with rapid relapse to dependence, Addict Behav., 33(11), pp.1500-1505.
  17. Cooper Z. et coll.(2010), Opioid antagonism enhances marijuana’s effects in heavy marijuana smokers, Psychopharmacology, 211, pp.141–148.
  18. Levin F. et coll. (2011), Dronabinol for the treatment of cannabis dependence: a randomized, double-blinded, placebo-controlled trial, Drug. Alcohol Depend., 116(1-3), pp. 142-150.