Le cannabis utilisé comme un médicament
L'emploi de cannabis ou de ses dérivés à des fins médicales est un sujet fréquemment abordé sur Internet. Certaines compagnies pharmaceutiques se spécialise dans le développement de dérivés cannabinoïdes. Le cannabis possède-t-il de réelles vertues thérapeutiques?
Un débat touchant de nombreux domaines
Alors que le THC aurait des effets antinauséeux, myorelaxants ou de stimulations de l’appétit, le CBD, lui, serait anticonvulsif, analgésique ou encore anxiolytique. Des applications thérapeutiques sont exploitées pour des maladies comme la sclérose en plaques ou pour atténuer les effets secondaires de traitement lourds d’afflictions graves comme le cancer ou le SIDA. D’autres usages médicaux sont étudiés, notamment pour de nombreux problèmes inflammatoires, des douleurs chroniques ou pour les crises d’épilepsie.
Le potentiel thérapeutique de ces cannabinoïdes semblent prometteur, néanmoins les études cliniques à grande échelle sont encore trop rares pour en tirer une conclusion.
Des preuves insuffisantes mais des études en cours
Les résultats sont l'objet d'un débat scientifique. Pour certains, les dérivés du cannabis auraient une valeur réelle, pour d'autres leur efficacité ne serait pas prouvée, et les effets indésirables seraient trop nombreux, notamment en ce qui concerne la mémoire, mais aussi des réactions transitoires sévères de type psychose paranoïde (Favrat).
Une récente revue scientifique (Whiting, 2015) (6'462 participants) a démontré une efficacité modérée des cannabinoïdes pour le traitement de la douleur chronique et de la spasticité, et une efficacité faible dans l'amélioration des nausées et des vomissements dus à la chimiothérapie, au gain de poids chez les personnes infectées par le VIH, aux troubles du sommeil et au syndrome de Tourette. Les cannabinoïdes étaient associés à un risque accru d'effets indésirables à court terme.
L’une des possibilités thérapeutiques les plus encourageantes pour le THC et le CBD est celle dans le traitement des crampes musculaires et les spasmes symptômes de la sclérose en plaques. C'est l’affection la plus fréquente entraînant une invalidité permanente chez les jeunes adultes. Selon Vaney (2015), la tolérance est jugée bonne, les effets indésirables sont classés comme étant principalement modérés et passagers. Aujourd’hui en Suisse, les spasmes musculaires violents et douloureux peuvent être traités médicalement par le Sativex®, un extrait de cannabis contenant une quantité contrôlée égale de THC et de CBD.
En 2009, une revue systématique de Martin-Sanchez conclut à des preuves insuffisantes de l'efficacité du cannabis dans de nombreuses maladies (pour lesquelles il est préconisé une marge thérapeutique inacceptable), et des connaissances scientifiques incomplètes sur les effets des substances, qui, dans l'ensemble, ne contribuent pas à faire du cannabis une substance prescriptible.
En 2005, une revue de la littérature par Vignot concernant l'utilisation du cannabis en cas de cancer, montre que l'effet anti-douleur n'est pas supérieur à la codéine, l'effet anti-nauséeux n'a pas été comparé aux protocoles anti-vomissements modernes (l'utilisation de la classe des "sétrons"), et l'effet orexigène (augmentation de l'appétit) ne semble pas être suffisamment argumenté pour pouvoir envisager une utilisation large des cannabinoïdes dans le cadre des soins de soutien en cancérologie.
Ne pas confondre vertus thérapeutiques et consommation massive
Les auteurs s'affrontent parfois vivement sur le thème de la consommation de cannabis. Il semble pourtant que l'on soit là devant deux discours totalement différents: que le cannabis et/ou ses dérivés aient une valeur thérapeutique ou non, cela n'en fait certainement pas une panacée ni un argument en faveur de la généralisation de sa consommation, pas plus que pour un autre médicament. La consommation en masse de cannabis relève d'une toute autre problématique.
Le point de vue des consommateurs
Un fort pourcentage d'usagers de cannabis semble consommer pour se procurer une sensation de détente et pour combattre le stress, l'insomnie, etc. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'on est en présence d'une maladie mentale: certaines personnes consomment du cannabis pour tenter de soulager des symptômes de leur maladie de base, la consommation de cannabis peut être le signe révélateur d'une réelle détresse. Dans tous les cas se pose la question de savoir si la consommation de cannabis est bien le traitement le mieux adapté: en effet, à l'échelle mondiale, un fort pourcentage des personnes souffrant de problèmes de santé mentale ne bénéficie pas de prise en charge, ou bien reçoit un traitement inapproprié (Rapport sur la santé dans le monde, 2013 ).
Références
- Vaney, C. (2015). Le cannabis dans le traitement de la sclérose en plaques: possibilités et limites. Revue Médicale Suisse, 11(312–4), 312–314.
- Whiting, P. F., Wolff, R. F., Deshpande, S., Di Nisio, M., Duffy, S., Hernandez, A. V, … Kleijnen, J. (2015).
-
Eva Martín-Sánchez, MSc, Toshiaki A. Furukawa, MD, Julian Taylor, PhD,Jose Luis R. Martin, PhDSystematic Review and Meta-analysis of Cannabis Treatment for Chronic Pain , Pain Medicine, Volume 10, Issue 8, November 2009, Pages 1353–1368,
- Cannabinoids for Medical Use: A Systematic Review and Meta-analysis. Jama, 313(24), 2456–2473.
- Favrat et coll. (2005) Two cases of "cannabis acute psychosis" following the administration of oral cannabis. BMC Psychiatry 5:17
- Schofield et coll. (2006) Reasons for cannabis use in psychosis. Australian and New Zealand Journal of Psychiatry 40:570–574
- Rapport sur la santé dans le monde, 2001 – La santé mentale : Nouvelle conception, nouveaux espoirs. OMS
- Chaturvedi (2004) Cannabis as a psychotropic medication
- Cannabis for multiple sclerosis. Bandolier 100-6
- Fisher B, Johnston D, Leake P (2002) Marijuana for medicinal purposes: an evidence-based assessment. Prepared for Alberta's workers' compensation board.
- Vignot et coll. (2005) Cannabis et cancer. Bulletin du cancer vol. 93, 2:163-170