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Aides et conseils pour les consommateurs de cannabis et leur entourage

Cannabis et soins palliatifs 

Le cannabis est parfois utilisé à des fins thérapeutiques. Il pourrait présenter un intérêt pour soulager les personnes en fin de vie. Découvrez pour quels symptômes le cannabis pourrait être utilisé en soins palliatifs et ce que montrent les études réalisées jusqu’à présent.
Le cannabis et les cannabinoïdes sont considérés comme un traitement potentiel pour un large éventail de maladies et de symptômes. Les vertus thérapeutiques du cannabis et des cannabinoïdes pourraient être un traitement complémentaire dans les soins palliatifs mais il y a encore peu d’études pour démontrer leur efficacité. En général, les personnes en phase terminale d'une maladie présentent en effet un nombre important de symptômes qui ne sont pas suffisamment contrôlés ou traités. Dans les études transversales, les patients font état de 8 à 12 symptômes, la fatigue, la douleur, l'anorexie, la cachexie, la dyspnée, l'anxiété et la dépression étant particulièrement fréquentes. (1) (2)

Cannabis et cannabinoïdes : un intérêt pour soulager les symptômes en soins palliatifs ?
Le faible soulagement des symptômes et/ou les effets indésirables importants attribués aux opioïdes et à d'autres médicaments rendent nécessaire la recherche d'autres stratégies thérapeutiques, telles que les médicaments à base de cannabinoïdes (CBM). Ceux-ci comprennent des cannabinoïdes pharmaceutiques approuvés comme par exemple le Nabilone (Cesamet®), le Nabiximols (Sativex®), le Dronabinol (Marinol®) et des produits dérivés de la cannabis (sommités fleuries, huiles extraites de la plante, autres préparations à base de cannabis...)
Une enquête menée auprès de 237 oncologues américains publiée en mai 2018 a montré que si seulement 30 % d'entre eux se sentaient suffisamment informés pour faire des recommandations concernant les médicaments à base de cannabinoïdes, 80 % d’entre eux ont évoqué ceux-ci avec leurs patients et 46 % ont recommandé ces médicaments sur le plan clinique. 67 % d'entre eux considéraient le cannabis comme un complément utile aux stratégies classiques de gestion de la douleur, et 65 % pensaient que les médicaments à base de cannabis étaient aussi efficaces, voire plus, que les traitements standard de l'anorexie et de la cachexie (3). Le gouvernement néerlandais, lui, a récemment accepté de rembourser intégralement le cannabis médical pour les patients en phase terminale, à partir de janvier 2019 (4).

Cannabis et soins palliatifs : pour soulager quels symptômes ?
Des études se sont intéressées aux effets thérapeutiques du tétrahydrocannabinol (THC) et du Cannabidiol (CBD). Le THC serait responsable de la plupart des effets thérapeutiques attribués au cannabis, notamment l'atténuation de la douleur, la spasticité, la nausée, l'insomnie et la perte d'appétit. (5)
Les résultats des études précliniques suggèrent que le CBD a des effets anti-inflammatoires, analgésiques, anti-nauséeux, antiémétiques, anti-ischémiques, anti-psychotiques, anti- épileptiques et anxiolytiques . (6) (7) (8)
Le cannabis et les cannabinoïdes pourraient être employés pour soulager des douleurs cancéreuses réfractaires aux antalgiques. Une revue récente qui visait à évaluer l'efficacité du cannabis médical pour soulager la douleur chez les patients atteints d’un cancer a démontré un effet analgésique significatif dans 15 des 18 essais par rapport au placebo (9).
Le cannabis médical aurait un intérêt pour soulager d’autres symptômes. Une étude israélienne récente sur l'utilisation du cannabis chez plus de 3 000 patients atteints de cancer a ainsi montré une amélioration significative du contrôle d'autres symptômes courants, notamment les problèmes de sommeil (70,8 %), la fatigue (55,9 %), l'anxiété et la dépression (74,1 %), et les nausées et vomissements (54,7 %). Seuls 18,7 % des patients ont déclaré avoir une bonne qualité de vie avant le début du traitement, tandis que 69,5 % ont déclaré avoir une bonne qualité de vie après 6 mois de traitement. En outre, 36% des patients ont cessé d'utiliser des opioïdes. (10)
Lorsqu'il est pris à des doses beaucoup plus élevées, le cannabis est l'une des nombreuses drogues qui peuvent induire des états temporaires de type dissociatif, qui peuvent créer une "distanciation" de l'expérience de la douleur, sans la soulager par un mécanisme direct. D’autres autres effets psychoactifs du cannabis pourraient avoir un intérêt en soins palliatifs : euphorie, relaxation, perte de mémoire aversive, modification de l’attention. Le cannabis médicinal pourrait ainsi être employé par des personnes en fin de vie pour éprouver un mieux- être au-delà du soulagement des symptômes physiques.
Le cannabis et les cannabinoïdes pourraient ainsi être une solution privilégiée par des personnes en fin de vie qui présentent des symptômes physiques et/ou psychologiques insupportables. (11)

Cannabis et soins palliatifs : ce que montrent les études
Le cannabis suscite beaucoup d’intérêt pour soulager des symptômes de personnes en soins palliatifs mais les preuves sont aujourd’hui faibles.
Une méta-analyse portant sur 1561 patients a rapporté les effets de la prise de THC synthétique (dronabinol), d’une combinaison de THC et de CBD et d’herbe de cannabis (Cannabis sativa) sur des patients en fin de vie (cinq études avec des patients ayant reçu un diagnostic de cancer avancé en phase terminale, et dans certains cas, avec une espérance de vie estimée à moins de 2 ou 3 mois, trois autres études portaient sur l'infection par le VIH à un stade avancé et la dernière concernait des patients ayant reçu un diagnostic de maladie d'Alzheimer). (12) La conclusion de ses auteurs ? Les preuves sont de faible qualité pour l'utilisation des cannabinoïdes pour aider à la prise de poids chez les patients VIH, les preuves sont modérées en ce qui concerne l'utilisation des cannabinoïdes pour le traitement de la douleur chronique et les preuves sont de faible qualité quant au bénéfice clinique des cannabinoïdes pour les douleurs cancéreuses. Les auteurs concluent leur analyse en soulignant qu’aucune recommandation ne peut être faite pour l'utilisation des cannabinoïdes dans le traitement des soins palliatifs dans le cadre du cancer, du VIH-SIDA ou de la démence.

Cannabis en soins palliatifs : à quelles doses et sous quelle forme pourrait-il être administré ?
L’administration de cannabis et cannabinoïdes thérapeutiques en soins palliatifs devrait dépendre de l’habitude des personnes avec le cannabis : en ont-ils déjà pris ou pas ? Pour les patients n'ayant jamais consommé de cannabis, les auteurs d’une étude jugent préférable de commencer par la dose la plus faible possible et de suivre la règle générale suivante : « commencer par une dose faible, augmenter lentement et rester faible ». (13) Pour les personnes présentant des contre-indications au THC ou qui peuvent avoir une appréhension ou une sensibilité à ses effets psychoactifs spécifiques, une étude rapporte qu’il est conseillé de faire un essai initial avec des formulations riches en CBD, car ses composés sont généralement mieux tolérés ou d’augmenter lentement la dose des formulations contenant du THC, cela pour diminuer la probabilité d'effets secondaires. Pour les patients qui consomment déjà de fortes doses de cannabis (c'est-à-dire >3 g/jour) et dont la survie est estimée à plusieurs mois ou plus, les auteurs estiment que des stratégies de réduction des risques doivent être envisagées, de la même façon que des précautions doivent être prises avec les opioïdes. Leur recommandation pour ces patients : des préparations à action prolongée (huiles de cannabis et le Nabilone). (11)
Le cannabis et les cannabinoïdes peuvent être délivrés par voie orale, oromucosale, par inhalation ou être fumés, ou encore utilisés sous forme de sprays, suppositoires, baumes (voie topique), etc. Le mode d’administration dépend des symptômes de fin de vie à soulager. Ainsi, les produits riches en CBD inhalés peuvent être privilégiés pour diminuer les nausées et vomissements, par voie orale pour soulager les douleurs persistantes, et le THC inhalé pour favoriser l’endormissement. (14).
En conclusion, il faut poursuivre les recherches (notamment des essais cliniques) afin de s’assurer de l'efficacité et de la sécurité des cannabinoïdes en tant que thérapies adjuvantes ou complémentaires et de fournir des recommandations fondées sur des preuves quant à leur utilité dans les soins palliatifs. D'autres études impliquant un plus grand nombre de patients sont nécessaires pour évaluer le potentiel thérapeutique du cannabis et des cannabinoïdes dans le cadre des soins palliatifs. Cependant, les auteurs des différentes études soulignent que les conditions particulières du domaine des soins palliatifs rendent difficile la réalisation d'études de qualité.

Auteur : Anne-Sophie Glover-Blondeau, décembre 2021.

Références :
(1) Portenoy RK, Thaler HT, Kornblith AB, et al. Symptom prevalence, characteristics and distress in a cancer population. Qual Life Res 1994;3:183-9.
(2) Van Lancker A, Velghe A, Van Hecke A, et al. Prevalence of symptoms in older cancer patients receiving palliative care: a systematic review and meta-analysis. J Pain Symptom Manage 2014;47:90-104.
(3) Braun IM, Wright A, Peteet J, et al. Medical Oncologists’ Beliefs, Practices, and Knowledge Regarding Marijuana Used Therapeutically: A Nationally Representative Survey Study. J Clin Oncol 2018;36:1957-1962
(4) Government agrees to free medicinal cannabis for terminally-ill patients - The Post 2018. Available online: http://cphpost.dk/news/government-agrees-to-free-medicinal-cannabis-for- terminally-ill-patients.html, accessed April 18, 2018.
(5) Russo EB. Cannabidiol Claims and Misconceptions. Trends Pharmacol Sci 2017;38:198- 201)Les
(6)Gaston TE, Bebin EM, Cutter GR, et al. Interactions between cannabidiol and commonly used antiepileptic drugs. Epilepsia 2017 
(7) Geffrey AL, Pollack SF, Bruno PL, et al. Drug-drug interaction between clobazam and cannabidiol in children with refractory epilepsy. Epilepsia 2015;56:1246-51
(8) Hess EJ, Moody KA, Geffrey AL, et al. Cannabidiol as a new treatment for drug-resistant epilepsy in tuberous sclerosis complex. Epilepsia 2016;57:1617-24)
(9) Darkovska-Serafimovska M, Serafimovska T, Arsova-Sarafinovska Z, et al. Pharmacotherapeutic considerations for use of cannabinoids to relieve pain in patients with malignant diseases. J Pain Res 2018;11:837-42
(10) B ar-Lev Schleider L, Mechoulam R, Lederman V, et al. Prospective analysis of safety and efficacy of medical cannabis in large unselected population of patients with cancer. Eur J Intern Med 2018;49:37-43
(11) Cyr C, Arboleda MF, Aggarwal SK, Balneaves LG, Daeninck P, Néron A, Prosk E, Vigano A. Cannabis in palliative care: current challenges and practical recommendations. Ann Palliat Med 2018;7(4):463-477. doi: 10.21037/apm.2018.06.04
(12)Mücke M, Weier M, Carter C, Copeland J, Degenhardt L, Cuhls H, Radbruch L, Häuser W, Conrad R. Systematic review and meta-analysis of cannabinoids in palliative medicine. J Cachexia Sarcopenia Muscle. 2018 Apr;9(2):220-234. doi: 10.1002/jcsm.12273. Epub 2018 Feb 5. PMID: 29400010; PMCID: PMC5879974.)
(13) MacCallum CA, Russo EB. Practical considerations in medical cannabis administration and dosing. Eur J Intern Med 2018;49:12-9.
(14) Maida V, Daeninck PJ. A user’s guide to cannabinoid therapies in oncology. Curr Oncol 2016;23:398-406.

Sources :
Cyr C, Arboleda MF, Aggarwal SK, Balneaves LG, Daeninck P, Néron A, Prosk E, Vigano A. Cannabis in palliative care: current challenges and practical recommendations. Ann Palliat Med 2018;7(4):463-477. doi: 10.21037/apm.2018.06.04
Agar M. (2018). Medicinal cannabinoids in palliative care. British journal of clinical pharmacology, 84(11), 2491–2494. https://doi.org/10.1111/bcp.13671
Laure Copel pour l’ANSM, Frédéric Guirimand pour la SFAP, Utilisation du cannabis à visée thérapeutique en médecine palliative, corpalif.org
https://www.corpalif.org/scripts/files/5f46be52d13338.43648347/presentation_cannabistherapeutique_corpalif.pdf