Traitments
Le cannabis thérapeutique
Des médicaments à base de cannabis sont autorisés dans quelques pays comme traitement adjuvant principalement pour des patients ayant un cancer, la sclérose en plaque ou le sida. Le point sur les usages actuels et potentiels du cannabis comme médicament.
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Les effets thérapeutiques du cannabis
Le cannabis est utilisé à des fins thérapeutiques depuis des siècles et cela dans de nombreuses cultures. En Chine, il était utilisé il y a plus de 5000 ans pour traiter la constipation, la malaria, les douleurs rhumatismales. En Inde, le cannabis était utilisé pour ses propriétés analgésique, fébrifuge, sédatives, stimulante de l'appétit. En Europe, on a découvert ses propriétés médicinales vers le milieu du XVIIème siècle mais son usage s'est surtout développe au milieu du XIXème siècle, où on l'a utilisé pour traiter les douleurs, les spasmes, l'asthme, les troubles du sommeil, la dépression et la perte d'appétit.
Dans la première moitié du 20 ème siècle, les médicaments cannabinoïdes sont pratiquement tombés en désuétude, en partie parce que les scientifiques n'arrivaient pas à établir la structure chimique des constituants de la plante de cannabis (Cannabis sativa L) mais aussi à cause de l'apparition de médicaments plus actifs (aspirine, barbituriques). L'identification en 1964 du delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), principal cannabinoïde psychoactif du cannabis, et surtout la découverte du système cannabinoïde endogène dans les années 1990 et de deux types de récepteurs cannabinoïdes répartis dans notre organisme- CB1 au niveau du système nerveux central et périphérique, CB2 au niveau des cellules immunitaires- ont permis d’expliquer les effets observés depuis des siècles.
Ainsi, par exemple, les effets analgésique et anti-émétique du cannabis sont dus à l'activation des récepteurs cannabinoïdes centraux: le système endocannabinoïde inhibe les vomissements, en activant les récepteurs CB1 et CB2 localisés dans le complexe vagal dorsal du tronc cérébral où les réflexes émétiques sont intégrés. Forts de ces connaissances, les chercheurs ont travaillé à développer des médicaments à base de cannabis pour soulager un certain nombre de maux. Des préparations à base de cannabis peuvent avoir de nombreux effets thérapeutiques : actions antispasmodiques, analgésiques, antiémétiques, neuroprotectrices et anti-inflammatoires, et sont aussi efficaces contre certaines maladies psychiatriques.
Médicaments existant à base de cannabis et indications confirmées
Les médicaments à base de cannabis exercent leurs effets principalement par l'activation des récepteurs cannabinoïdes (CB1 et CB2). Plus de 100 essais cliniques contrôlés de cannabinoïdes ou de préparations à base de plante entière pour diverses indications ont été menés depuis 1975. Les résultats de ces essais ont conduit à l'approbation de médicaments à base de cannabis dans plusieurs pays, et cela pour des indications bien précises, avec un niveau de preuve suffisant.
Il s'agit en particulier de deux composés synthétiques du THC administrés par voie orale, le Marinol® (dronabinol) et le Cesamet® (nabilone). Ils sont utilisés dans le traitement des nausées et vomissements liées aux chimiothérapies ou chez les sidéens, et, pour le nabilone comme inducteur d'appétit chez les personnes souffrant du sida, cancéreux ou Alzheimer.
Aux Etats-Unis, le dronabinol a été autorisé depuis 1985 pour le traitement des nausées et vomissements causés par la thérapie cytostatique ; et depuis 1992 pour la perte de l'appétit chez les patients atteints de VIH / Sida. En Grande-Bretagne, le nabilone a été autorisé pour le traitement des effets secondaires de la chimiothérapie chez les patients cancéreux. Une revue systématique de 30 essais cliniques impliquant des cannabinoïdes synthétiques administrés par voie orale (nabilone et dronabinol) a montré que leurs effets étaient supérieurs à ceux des antagonistes des récepteurs de la dopamine dans la prévention des vomissements et nausées causés par la chimiothérapie.1
Autre médicament, un extrait de cannabis, qui contient du THC et du cannabidiol (CBD), le Sativex®, sous forme de poudre à inhaler. Celui-ci a été approuvé en 2005 au Canada pour traiter les affections spastiques liées à des douleurs dans le cadre de la sclérose en plaques. En Allemagne, le Sativex® a été approuvé en 2011 pour le traitement de la spasticité modérée à sévère et réfractaire de la sclérose en plaque après la réalisation d'une vaste étude.2 Il est autorisé dans 17 pays européens à ce jour (Vaney, 2015)15.
Autres indications thérapeutiques à l'étude
En plus de ces indications confirmées, il existe des preuves solides dans un large nombre de petites études contrôlées que les agonistes des récepteurs aux cannabinoïdes ont une action analgésique, en particulier dans les douleurs neuropathiques, mais aucun pays n'a encore approuvé leur utilisation à cette fin. Cependant, le Sativex® est parfois prescrit au cas par cas pour lutter contre les douleurs neuropathiques de la sclérose en plaque. Ainsi, une étude sur 50 patients souffrant de douleur neuropathique associée au VIH a montré que fumer du cannabis réduisait la douleur en moyenne de 34% (contre 17% pour le placebo).3 Dans un essai croisé, le dronabinol (jusqu'à 10 mg / jour) a réduit la douleur associée à la sclérose en plaques en moyenne de 3 points (sur une échelle de 1 à 10), en comparaison avec 0 points pour le placebo.4 De petites études contrôlées ont montré que les cannabinoïdes peuvent également être efficaces contre la douleur chronique provoquées par des tumeurs, des rhumatismes, la fibromyalgie.5 Une méta-analyse de 18 études publiées entre 2003 et 2010 a montré un effet analgésique des agents cannabinoides contrôlés. 15 des 18 essais ont démontré un effet analgésique important des cannabinoïdes par rapport au placebo et plusieurs améliorations significatives sur le sommeil.6
On pense que la capacité analgésique des cannabinoïdes pourrait offrir une alternative aux opioïdes pour le traitement des douleurs sévères. En outre, les cannabinoïdes agissent en synergie avec les opioïdes et leur utilisation permettrait des doses plus faibles et donc moins d'effets secondaires liés aux opioïdes. Cependant, la plupart des études évaluant la synergie entre les opioïdes et les cannabinoïdes ont été menées chez des sujets sains, on a donc besoin de mener des études sur des patients avec des maladies spécifiques.7
De petits essais contrôlés randomisés ont montré des effets positifs de préparations à base de cannabis sur le dysfonctionnement de la vessie, les tics dans le syndrome de la Tourette, la dyskinésie induite par la Lévodopa dans la maladie de Parkinson.8,9,10
Enfin, les effets positifs des cannabinoïdes contre de nombreuses autres maladies et symptômes ont été rapportés (par exemple amélioration du glaucome, réduction des crises d'épilepsie..) mais seulement dans des rapports de cas et des petites études ouvertes, non contrôlées : aucune conclusion définitive ne peut donc être tirée.11 La recherche doit continuer!
Utilisation thérapeutique du cannabis: effets secondaires et contre-indications
Les effets secondaires les plus communs des cannabinoïdes sont : la fatigue et les étourdissements (chez plus de 10% des patients), la tachycardie, l'hypotension orthostatique, la sécheresse de la bouche, les effets psychologiques... Deux méta-analyses ont conclu en 2001 que les cannabinoïdes de synthèse induisaient des effets secondaires graves (hallucinations, dépression, voire psychose) dans 2 à 5% des cas.12 Sur les bases des connaissances actuelles, on peut cependant dire que seule une consommation très élevée à des taux rarement utilisés à des fins thérapeutiques peut entrainer des désordres cognitifs irréversibles. Le risque apparait toutefois bien plus élevé chez les enfants et les ados (surtout avant la puberté). La consommation de cannabis peut provoquer une psychose schizophrénique chez les personnes vulnérables. La psychose est donc considérée comme une contre-indication à un traitement avec des médicaments à base de cannabis. Autres contre-indications à l'utilisation du cannabis thérapeutique: insuffisance rénale ou hépatique sévère, maladies cardio-vasculaires graves, grossesse.
Les effets vasculaires des cannabinoïdes peuvent augmenter le risque d'infarctus du myocarde chez les personnes prédisposées. Cependant, une tolérance se développe à la plupart des effets indésirables des cannabinoïdes, en particulier la fatigue, les étourdissements, les conséquences cardio-vasculaires et psychiques sur une période de plusieurs jours ou semaines.13,14 Face à ces effets secondaires, on cherche à développer des cannabinoïdes de synthèse avec un profil thérapeutique satisfaisant, sans effets secondaires, en particulier psychotropes.
A noter: les symptômes de sevrage ne sont presque jamais un problème dans le cadre thérapeutique.
Auteur : Anne-Sophie Glover-Bondeau
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Dépendance au cannabis: de futurs médicaments ?
Il n'existe actuellement pas de traitement pharmacologique de la dépendance au cannabis alors que c'est la drogue la plus consommée au monde et que des utilisateurs ont des symptômes de manque pendant le sevrage. Différentes approches sont néanmoins prometteuses.
Dépendance au cannabis et besoin de médicaments
Environ 1 consommateur sur 10 va devenir dépendant au cannabis au cours de sa vie. (1) La dépendance cannabique est fréquemment associée à des comorbidités psychiatriques : troubles anxieux, troubles de l’humeur, troubles de la personnalité. D'où l'importance d'avoir des traitements de substitution disponibles. En outre, chez les personnes les plus sévèrement dépendantes au cannabis, on constate les symptômes suivants lors d'un sevrage: troubles du sommeil, irritabilité, manque intense. Là-encore, on ne dispose pas de traitement médicamenteux spécifique du sevrage du cannabis.
On connait mieux aujourd'hui les mécanismes de dépendance au cannabis, ce qui permet d'envisager des traitements de la dépendance. Deux types de récepteurs cannabinoïdes ont été découverts: CB1 et CB2. Le récepteur CB1 est localisé dans le cerveau alors que les récepteurs CB2 sont localisés surtout à la périphérie, même si on les trouve également au niveau cérébral. Il est possible que le blocage des effets du cannabis passe par le blocage des récepteurs CB1 et CB2. On sait que la dépendance aux drogues résulte notamment d'un dysfonctionnement des systèmes neuronaux de récompense. Il apparaît qu'en particulier la dopamine est un neurotransmetteur central dans l'apparition et le maintien de la dépendance. On sait aussi que le cannabis stimule les systèmes opioïdes endogènes, tout comme le tabac: l'administration de THC augmente de manière significative les taux de dopamine. Cependant, il est très possible qu'une modulation de plusieurs neurotransmetteurs sous-tende les phénomènes de dépendance aux drogues.
De futurs traitements médicamenteux ?
Différents traitements médicamenteux de la dépendance au cannabis ont fait l'objet de tests chez l'animal ou d'études cliniques de petite ampleur chez l'homme. Les recherches en cours évaluent trois grandes stratégies de traitements: la substitution par des agonistes cannabinoïdes, les antagonistes qui modulent de façon directe ou indirecte la transmission dopaminergique cérébrale, la modulation des autres systèmes de neurotransmetteurs.
Une approche consiste en une substitution à tolérance croisée des agonistes (récepteur cannabinoïde CB1) pour supprimer les syndromes de sevrage (comme on utilise un opiacé pour réduire les effets du sevrage de l'héroïne).- Cette approche peut être réalisée en utilisant du THC synthétique (dronabinol) qui est légalement commercialisé dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis (Marinol ®), comme un médicament oral pour stimuler l'appétit et réduire les nausées et vomissements dus à la chimiothérapie. - Le dronabinol a montré son efficacité dans plusieurs études de laboratoire chez l'homme avec des doses allant jusqu'à 30 mg trois fois par jour, avec des effets secondaires minimes. (2) Un essai clinique contrôlé du dronabinol (20 mg), n'a pas montré son efficacité pour réduire la consommation de cannabis, mais a réduit significativement les symptômes de sevrage de cannabis. (3) Des études chez l'animal ont montré que le palmitoyléthanolamide (PEA), un amide d'acide gras, exerçait un effet direct ou indirect sur les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2, ce qui suggère une certaine similitude pharmacodynamique avec le D9- tétrahydrocannabinol, principal composé psychoactif du cannabis (4). Il agit également comme un agoniste du récepteur TRPV1. On pense donc que le PEA aurait des effets anti-manque chez les patients dépendants au cannabis, serait efficace dans le traitement des symptômes de sevrage, entraînerait une baisse de la consommation de cannabis et serait efficace dans la prévention de la neurotoxicité et les troubles neuro-psychiatriques induits par le cannabis.
Les antagonistes des récepteurs cannabinoïdes CB1 (comme le Rimonabant) pourraient aussi être utiles dans le traitement de la dépendance au cannabis. Des expériences chez l'animal ont montré que le blocage des CB1 affectait les réponses induites par le THC. (5)
Deux petites études cliniques ont évalué l'effet du lithium, un stabilisateur de l'humeur, qui intervient sur les neurotransmetteurs. Dans la première étude, le lithium (600 à 900 mg / jour pendant 6 jours) a réduit les symptômes de sevrage chez 4 des 9 participants, bien que l'un des 4 ait continué à fumer du cannabis. L'abstinence n'a pas été vérifiée chez les 8 autres participants. (6) Dans la seconde étude, le lithium (500 mg 2 × / jour pendant 7 jours) a été donné à 20 patients dépendants au cannabis hospitalisés en cure de désintoxication Douze patients ont terminé le programme de désintoxication de 7 jours. 90 jours de suivi, les participants ont déclaré être abstinent pendant 88% des jours, avec 64% d'abstinence au jour 10, 65% au jour 24, et 41% au jour 90. Cinq participants ont rapporté etre continuellement abstinents avec des tests d'urine au cannabis négatifs. (7) Ces résultats suggérant un possible effet thérapeutique persistant du lithium donné pendant la période de sevrage au cannabis. Des travaux récents sur des singes et des rats ont montré que le fait de booster la production d'acide kynurétique - qui contrôle le niveau de dopamine-dans le cerveau retardait les effets du THC et réduisait les effets de l'addiction au cannabis. L'acide kynurétique bloquerait les récepteurs du cerveau qui augmentent la sensation de bien-être apportée par la dopamine. (8)
Une autre stratégie consiste à moduler d'autres systèmes de neurotransmetteurs pour réduire les effets de manque. Cette stratégie a été mise en œuvre en utilisant une variété de médicaments approuvés pour d'autres troubles psychiatriques, avec des résultats mitigés: l'entacapone , le N -acétylcystéine (NAC) , le Buspirone, l'Atomoxétine, le Divalproex.... (9) Une dose unique de l'anti-dépresseur néfazodone (450 mg / jour) a diminué certains, mais pas la majorité, des symptômes de sevrage du cannabis. (10) - La combinaison de lofexidine (2,4 mg / jour), un agoniste du récepteur alpha-2 adrénergique utilisé pour traiter le sevrage des opiacés et du THC (60 mg / jour) a produit plus d'amélioration sur 3 jours qu'aucun autre médicament. (11) Par contre, des études ont trouvé que l'anti-convulsant et le stabilisateur d'humeur divalproex (1500 mg / jour pendant 29 jours) et le bupropion anti-dépresseur (300 mg / jour pendant 17 jours) ont empiré certains symptômes de sevrage au lieu de les améliorer et n'avait pas d'effets positifs. (12)
Et les traitements non médicamenteux ?
Des stratégies psychothérapeutiques utilisées pour traiter d'autres dépendances peuvent être efficaces pour la dépendance au cannabis. Une récente méta-analyse a trouvé que les traitements pour la dépendance au cannabis avaient des effets plus vastes que les autres traitements pour d'autres dépendances. (13) Les thérapies combinées se sont montrées plus efficaces, en particulier celles qui commencent par une prise en charge sur la motivation, utilisant l'incitation pour améliorer l'engagement de changer.
Il reste à valider toutes ces approches avec des essais cliniques, avec l’espoir que bientôt des médicaments permettant de vaincre la dépendance au cannabis seront disponibles.
Auteur : Anne-Sophie Glover-Bondeau
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Références
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Comment résister en compagnie de fumeurs ?
Familier mais mystérieux, interdit mais banal, le cannabis cultive une certaine contradiction. Festive et inoffensive pour les uns ; inquiétante, synonyme d'échec et d'exclusion pour les autres, cette petite plante est devenue, en quelques décennies, le produit chéri des adolescents.
Vous aimeriez aussi sans doute vous sentir une personne libre et autonome. C'est autour de cette image de vous-même que vous avez à réfléchir et à prendre une décision. Si vous sentez que vous pouvez trouver une meilleure estime de vous-même en vous passant de cette petite habitude, à ce moment-là le jeu en vaut peut-être la chandelle ! (S. HEFEZ, psychiatre et psychanalyste)
1. Eviter les situations à risque
Les premiers temps, il est conseillé d'éviter les endroits où l'on fume et de fréquenter de préférence ses amis non-fumeurs.
2. Résister à l'influence des fumeurs
Ne vous laissez pas influencer par les personnes que votre succès dérange et qui veulent vous inciter à reprendre la consommation. Dites-vous que de nombreux fumeurs aimeraient également arrêter ou diminuer. Affirmez votre nouvelle identité d'ex-fumeur. Répondez par exemple:
- "Non merci, je me sens plus libre, plus en phase avec moi-même"
- "Non merci, j'ai arrêté, je me sens mieux comme çà" (prononcé avec fierté!)
- "Non merci, je n'ai pas besoin d'être "cheel" pour me sentir bien".
3. Répéter la scène, comme un acteur
Jouez à l'avance la scène où vous refusez le joint qu'on vous offre, ainsi que la scène où vous répondez à une personne qui doute de votre capacité à réussir. Préparez des réponses qui aient de l'humour, cela peut débloquer bien des situations et désarmer bien des sarcasmes.
4. Découvrir de nouveaux univers
Tous le monde ne consomme pas, toutes les soirées ne sont pas axées sur le cannabis. Profitez de votre changement pour vous découvrir de nouveaux centres d'intérets, rencontrez de nouvelles personnes avec qui vous partagerez des moments sans fumée.
Mûrir sa décision
Si vous avez décidé d'arrêter ou de diminuer votre consommation, vous ne le faites pas pour la beauté du geste! En effet, ce changement dans votre vie devrait coïncider avec d'autres objectifs plus globaux. Prenez le temps de bien y songer, ça vaut la peine!
Pourquoi changer?
Vous n'envisagez pas un changement pour rien. Certains éléments de votre vie vous sont devenus insatisfaisants, ils sont à l'orgine de votre désir de changement. Listez bien ces éléments, même par écrit si possible. Ils constitueront le fil rouge de votre motivation.
Pour stimuler votre réflexion, vous pouvez consulter cette liste des motivations très couramment exprimées. Arrêter, c'est ne plus subir :
- des problèmes d’attention, de concentration et de mémoire pouvant avoir un impact sur la vie scolaire ou professionnelle
- d'être mal à l'aise avec des gens
- d'être entouré que de fumeurs
- de se cacher (de proches, des parents, ...)
- de craindre des sanctions (à l'école, au travail)
- des crises d’anxiété ou de paranoïa
- des nausées
- des “bad trips”
- des dépenses évitables
- des pertes de motivation dans ses entreprises
- des accidents en cas de conduite de véhicule ou de manipulation de machines
- des troubles psychiatriques (pour les personnes vulnérables)
- des maladies respiratoires comme des bronchites chroniques
- des problèmes cardiaques (pour les personnes vulnérables)
- des risques accrus de développer des cancers de la bouche, de la gorge et des poumons
- etc.
Constituez votre propre liste!
Peser le pour et le contre
En même temps, il n'y a pas que du mauvais dans votre consommation; il est normal de considérer deux pôles de motivation opposés. C'est ce qu'on appelle l'ambivalence. Vous avez encore des aspects que vous aimez dans le cannabis alors que d'autres vous sont devenus pénibles. Le changement impliquerait de laisser tomber certains bénéfices de consommation pour en obtenir d'autres.
Là encore un exercice de réflexion est utile:
- listez tous les bons côtés de votre consommation
- puis listez tous les moins bons côtés
Vous obtenez un panorama précis des enjeux de votre décision! De quel côté penche votre balance? Avez-vous plus d'avantages à changer ou à rester dans le statu quo de la consommation?
N'hésitez pas à en parler avec un professionnel qui vous accompgnera dans cette réflexion.
Vous pouvez aussi venir en parler sur la Tribu: c'est un sujet que nous abordons!
Préparez-vous à faire face aux situations à risque
Certaines situations sont favorables à la rechute. Pour y faire face, mieux vaut être préparé! Il faut donc s'observer pour bien les connaître.
Cest pourquoi ce n'est pas grave si vous commettez des "faux-pas" après le Jour-J d'arrêt: ce ne sont pas forcément des rechutes mais des occasions d'apprendre.
Le tableau ci-dessous vous permettra d'identifier plus précisément les situations qui nécessitent une préparation de votre part. Travaillez surtout sur les situations dans lesquelles vous n’avez pas confiance en votre capacité à résister à l'envie de fumer.
Si vous êtes à court d'idée pour les stratégies à utiliser, venez en parler sur le forum!
Vous pouvez aussi le pré-remplir ci-dessous.